Je demande parfois aux jeunes comédiens de jouer mal. C’est très intéressant, car lorsqu’on leur parle d’esthétique de jeu, ils ne comprennent pas ce que ça veut dire. Ils n’ont souvent qu’une esthétique du jeu, celle du cinéma et de la télévision. Parfois, ils ont une esthétique de jeu café-théâtre, one-man show, c’est tout. Quand je leur demande de jouer mal, immédiatement il se passe autre chose. Tout le monde ne sait pas mal.
Parfois, je leur demande de jouer comme une tragédienne, démodée. On disait de ces femmes que quand elles parlaient, elles chantaient. Cette musicalité est intéressante, la recréer l’est aussi. Et comme ils n’ont pas tous écouté Sarah Bernard pendant des heures, ils doivent trouver leur musicalité.
Je leur demande aussi de la jouer quotidienne, c’est-à-dire de trivialiser la langue ou alors de sur-jouer. A ce moment-là, ce qu’ils produisent, c’est une liberté. Cela les libère. A partir de là, on va pouvoir définir des cadres esthétiques, car ce que je fais avec eux, c’est ça, c’est définir une esthétique de jeu. Ils doivent découvrir cela.
Dire « fais en moins », cela ne veut rien dire. C’est souvent ce que les jeunes metteurs en scènes disent parce qu’il leur semble que c’est ce que doit dire un metteur en scène. Souvent quand je demande aux comédiens de jouer trop, il y a encore la possibilité de jouer. Sous-jouer, c’est aussi très difficile. En élidant beaucoup, par exemple. Jouer dans l’idée qu’ils ont de la Comédie-Française, c’est intéressant aussi. Ils ont souvent une fausse idée, mais ce n’est pas grave. Cela parait un exercice facile au départ, mais en vérité les masques tombent très très vites.

Je pense que la direction d’acteur doit venir après la mise en scène. Ce qui est complètement à l’envers du style français et de ce que j’ai appris à l’école d’ailleurs. Pour les français, la mise en scène n’existait pas à l’époque, il y avait de la direction d’acteurs. On admirait des directeurs d’acteurs, on admirait pas des metteurs en scène. Il n’y avait pas beaucoup de mise en scène, il y avait un plateau nu et deux chaises. C’était entièrement sur l’acteur.

Dans le système allemand, c’est exactement l’inverse. Pour des raisons qui ne sont pas que esthétiques, elles sont aussi structurelles, cela tient à la façon dont ils travaillent. Ils vont très vite, les pièces sont écrites pour que l’on puisse les reprendre trois semaines après, avec d’autres acteurs. La mise en scène est écrite et elle vient d’abord. La mise en scène, c’est une série d’actions très définies. Moi, je travaille comme cela, la mise en scène est écrite et elle vient d’abord. Cela peut surprendre des jeunes acteurs qui se trouvent très vite pris dans une forme, qui ne doit pas être formelle pour autant. De là ils trouvent une liberté parce qu’ils connaissent la mise en scène. Ensuite, on peut approfondir ce que l’on appelle la direction d’acteurs. Je fais exactement l’inverse, de ce que j’ai appris à l’école depuis mon travail à l’opéra.

J’avais écrit une liste d’une centaine de didascalies, comme-ci, comme-ça : fatigué, exaspéré, ironique méchant, gentil…Michel Fau disait la même phrase d’Illusions comiques et ça on peut le faire sur n’importe quoi. C’est une forme d’improvisation. Cela laisse libre de définir la passivité, l’agressivité, … Je ne le fais pas avec mes acteurs, mais je trouve cet exercice intéressant.

Michel Fault illusion comique. J’ai écrit une liste de didascalie.

Ce que je fais en tant que pédagogue c’est définir une esthétique de jeu. Ils doivent le découvrir.

Souvent quand je leur demande de jouer trop, c’est sous jouer c’est très difficile à faire aussi. On peut aussi demander de jouer plus quotidien, dans l’idée qu’ils se font de la comédie française, ils tentent de déclamer le texte. Cela parait un exercice facile, mais les masques ?

Je pense que je fais ce qui est à l’envers de.

A l’époque on admirait la direction d’acteur, pas la c’était entièrement sur l’acteur. Dans le système allemand, c’est l’inverse, ils écrivent de façon très très vite, pour que l’on puisse les reprendre. La mise en scène est écrite et elle vient d’abord. Moi, je travaille comme cela. Je pars de la mise en scène.